L’histoire du safran oscille entre légende, mythologie et réalité. Des écrits de diverses périodes nous permettent toutefois d’établir une trame. Ces fragments d’histoire nous permettent d’avoir une vision globale du safran et de sa longue progression.

Présent dans de nombreuses cultures et civilisations, on découvre de multiples témoignages de Théophraste (371 avant J.C.) en passant par Pline l’ancien (23 après J.C.) jusqu’à nos jours.

Certains témoignages nous sont parvenus par le biais de poteries, de gravures, de fresques ou de peintures qui remontent à plus de 4000 ans.

Des propriétés médicinales lui sont attribuées dans un ancien ouvrage chinois. Le safran est également cité dans des papyrus médicaux égyptiens. Tout au long de l’histoire du monde, il y a des traces du safran et de son utilisation par les civilisations.

Des chercheurs en botanique indiquent toutefois qu’il serait originaire de Crète et non du Cachemire.

Le safran que nous connaissons aujourd’hui n’est pas le même que celui cultivé dans l’Antiquité.

Le Crocus sativus provient de différentes espèces de crocus. Son analyse ADN a confirmé que le Crocus cartwrightianus était son ancêtre le plus vraisemblable. D’autres espèces de crocus sont néanmoins proches génétiquement telles que celles du Crocus thomasii et du Crocus pallasii.

L’espèce Crocus sativus a été privilégiée à cause de ses stigmates plus longs qui permettaient un meilleur rendement.

Issu d’une plante à bulbe, le safran a un pollen stérile et ne produit pas de graines. Sa propagation au cours des siècles a donc été lente et progressive. Il s’est répandu grâce aux conquêtes et aux échanges commerciaux.

Dès l’Antiquité, le safran est cultivé à Chypre, à Rhodes en Grèce, en Crète et dans les îles des Cyclades ainsi que dans le bassin méditerranéen.

Peuple antique originaire des cités de Phénicie (Liban actuel), les Phéniciens ont fortement développé le commerce du safran dans leurs cités les plus importantes comme Byblos, Sidon, Tyr ou Arwad. Les Assyriens et les Araméens ont donné au safran le symbole de la pureté.

En Egypte, le safran est utilisé comme parfum (encens), colorant et déodorant mais également comme remède pour les maladies gastro- intestinales et enfin comme aphrodisiaque.

Dans l’Europe du IIIème  et IVème  siècle,   les Romains cultivaient et consommaient avec abondance le safran. Ils l’implantèrent d’ailleurs dans leurs colonies qui étaient étendues de l’Afrique du Nord, en passant par l’Île de Bretagne, la Gaule jusqu’aux péninsules ibériques et italiennes. Avec la chute de l’empire romain (476),  la culture du safran a rapidement décliné jusqu’à se faire rare dans toute l’Europe, et ce, pendant plus de quatre siècles.

Vers l’Est, les Perses ont contribué à son introduction au Cachemire, les Mongols en Chine, les Chinois au Japon.

Vers l’Ouest, il est cultivé dans toute l’Afrique du nord principalement au Maroc puis en Espagne musulmane dès le IXème siècle pour remonter lors des retours des croisades (Xème et XIème siècle) vers tout le bassin méditerranéen.

Au Moyen-Age, le safran se propage dans toute l’Europe grâce aux échanges commerciaux mais également aux populations (chevaliers, pèlerins,…) lors de leurs voyages.

En Angleterre, au XIVème et XVème siècle, la culture du safran prospère dans la partie Est du pays près de Saffron Walden (comté d’Essex) et de Cambridge (comté de Cambridgeshire), les comtés de Norfolk et de Suffolk. A partir du XVIème siècle, un commerce s’établit entre l’Angleterre et la Hollande.

En Europe entre le XVème et XVIIème siècle, la culture du safran est principalement située en France, en Italie et en Espagne.

Dès le XVIème siècle, le safran est cultivé en Gâtinais. A l’époque, la ville de Boynes située dans le département du Loiret en région Centre devient la capitale du safran.

Le XVIème siècle marque l’apogée de la culture du safran en Occident. On le trouve un peu partout en France, dans le Gâtinais, l’Angoumois, le Vaucluse et de la Drôme (Orange, Carpentras et Avignon).

Le safran très réputé pour ses propriétés culinaires et médicales est alors disponible en quantités importantes (safran espagnol, grec, français, italien, autrichien, hongrois).

Au XVIIème, lors de la traversée de l’Atlantique, certains colons européens plus connus sous le nom de Pennsylvania Dutch emportent dans leurs malles du safran afin de le cultiver dans le nouveau monde en Pennsylvanie.

En France, au XVIIIème et XIVème siècles, plusieurs hivers rigoureux (1789, 1820, 1879, 1880) finissent d’anéantir une grande quantité de bulbes (le safran ne résistant pas à des températures inférieur à -10°). La hausse du coût de la main-d’oeuvre, le développement des colorants chimiques au détriment des colorants végétaux et une demande en régression accélèrent la chute de la culture du safran.

Cette tendance se produit également en Espagne, en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en Grèce et en Suisse.

Aujourd’hui, l’Iran, l’Inde, la Grèce, le Maroc, l’Azerbaïdjan, l’Afghanistan et l’Espagne dominent le marché mondial.

L’Iran est le principal producteur de safran avec une production représentant 90% de la production mondiale (185 tonnes en 2002 sur les 204 tonnes de production mondiale).

Depuis les années 2000, la France reprend la culture du safran, et ce, dans de nombreux départements. La production reste toutefois modeste comparée à l’Iran mais elle est de bien meilleure qualité.

Selon le recensement général de l’agriculture effectué en 2010, la France a un potentiel de production compris entre 200 et 250 kg. Ce chiffre a été calculé à partir des surfaces inventoriées et du rendement moyen annuel par hectare.

La production annuelle réelle en France s’établirait plutôt autour de 20 à 25 kg seulement.